lundi 9 avril 2018

PARFOIS VOUS ALLEZ A LA MER; un texte poétique de Umar TIMOL (Maurice).




Parfois vous allez à la mer. Vous attendez qu'il fasse nuit. Quand tout le monde dort. La mer est loin. Très loin. Là-bas. Mais vous n'avez pas peur. Vous savez qu'il ne vous arrivera rien. La mer protège ceux qui l'aiment. Vous marchez sur la pointe des pieds. Il ne faut pas qu'ils vous entendent. Ils vous empêcheront de partir. Ils ne comprennent pas l'appel de la mer. Peut-être que personne ne le comprend tout à fait. Qu'importe car vous devez partir. Partir. Puis vous vous mettez à courir. Vous aimez courir la nuit. Vous aimez le silence et la beauté des étoiles. Vous pourriez courir ainsi pendant des heures. Sans vous arrêter. Rien n'est plus beau. Rien n'est plus vrai. Au creux de la nuit le monde s'efface. Les mensonges, les trahisons, la vulgarité, les cris, l'argent. Le monde est beau car les hommes dorment. Bientôt ils se réveilleront et ils détruiront cette beauté. Cette sérénité. Ne savent-ils pas, vous vous demandez, eux qui sont si arrogants, qui se croient essentiels, qu'ils sont inutiles, qu'ils ne servent qu'à pas grand chose. Le destin du monde appartient à la beauté et non à l'homme. Et l'unique destin de l'homme est de révéler cette beauté. Mais il ne faut pas réfléchir. Il faut courir. Et vous courez. Et vous voyez la mer là-bas au loin. Et votre cœur bat de plus en plus vite. Et des frissons secouent votre corps. Vous fermez vos yeux. Vous ne voulez pas voir la mer. Pas maintenant. Pas tout de suite. Vous voulez prendre le temps de la découvrir. Et la mer se mérite. Il faut s'oublier un peu pour l'aimer. Il faut cesser d'être, un peu, pour l'aimer. Nombreux sont ceux qui croient aimer la mer. Mais ils n’en savent pas le sens. Il faut s'abandonner à la mer. Peut-être devenir la mer. Faire un avec elle. Alors ils comprendront. Vous vous approchez de la mer. Vous avez du mal à respirer. Vous ne voulez plus respirer. Qu'il serait bon de mourir, là, au seuil de la mer. Pas une mort douloureuse. Mais une mort qui libère. Faite de lumière. Il n'est de plus belle lumière. Vous vous en approchez. Vous regardez la mer. Vous aimeriez trouver les mots, là, tout de suite, pour raconter la mer, pour la décrire, pour dire ce qu'elle est. Mais vous n'est pas un poète. Vous aimeriez pouvoir chanter la beauté de la mer. Mais vous n'êtes pas chanteur. Vous aimeriez pouvoir peindre les métamorphoses de ses couleurs. Mais nous n'êtes pas peintre. Vous aimeriez danser au rythme de la mer, jusqu'à ce que le temps défigure vos traces. Mais vous n'êtes pas danseur. Vous n'êtes rien d'autre que celui qui aime la mer. Et qui en est aimé. Et face à la mer vous n'êtes plus rien. Plus lieu de parler, parler est toujours mentir, pas lieu de penser, penser est toujours trahir. La parole et les pensées sont encombrantes. Il faut s'en débarrasser. Ils ne servent à rien. Et face à la mer vous n'êtes plus rien. Vous ne voulez plus rien. Vous ne désirez plus rien. Et celui qui ne désire plus est libre. Et vous êtes libre ce soir. Et la mer, petit à petit, s'approche de vous. Elle est discrète. Elle ne veut pas vous effrayer. Mais vous n'avez pas peur. La mer vous lèche la peau. Ca picote et c'est bon. Et la mer ensuite pénètre votre corps, elle se mêle à votre sang, la mer devient votre sang et la mer devient votre cœur et dans ce cœur il n'y a plus rien, le vide, l'absence et la mer et votre cœur bat de plus en plus vite et la mer se répand en vous, vous ne savez ce que vous êtes, où vous êtes, peu importe car vous êtes la mer et vous allez peut-être mourir, qu'importe, vous allez peut-être revivre, qu'importe, plus rien n'a de l'importance, la mer suffit et votre cœur bat vite, toujours plus vite, comme la mer. Vous êtes la mer et rien n'est plus vrai, n'est plus beau. Tout à l'heure vous vous en irez. Il le faut bien. Vous retournerez là-bas au lieu des illusions. Mais il est dans votre cœur la mer et dans la mer votre cœur et ces mots : Parfois vous allez à la mer.






Umar TIMOL.






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