samedi 6 janvier 2018

Les impressions américaines de Umar TIMOL.




Peut-être qu'aimer un pays est comme aimer un être. Une rencontre inopinée, au détour d'une rue, un regard, quelques mots et nous ne sommes plus tout à fait les mêmes.  Plus jeune nous aimons avec ferveur, nous avons encore la force de l'idéalisation. Vieux ou presque désormais nous faisons la part des choses, nous aimons sans pour autant mettre l'autre sur un piédestal, nous le désirons pour ce qu'il est, notre regard est lucide, parfois trop lucide. Mais l'amour est, sa splendeur inquiète et silencieuse parcourt et emplit nos veines. Est-ce qu'on peut éprouver un amour semblable pour un pays ? Qu'est-ce qu'aimer un pays signifie ? Je ne sais trop à vrai dire mais ce pays m'a touché, profondément. Peut-être que c'est un fantasme Hollywoodien, ces images qui ont bercé mon enfance, ainsi on croit découvrir un pays alors que son fantasme est depuis toujours ancré en soi, peut-être que ce sont ces espaces qui s'étendent indéfiniment, j'aimais en particulier ces "road trips" de Penn State à New York, ce sentiment de l'impossibilité des limites, peut-être que ce sont les villes, New York en particulier, cette énergie qui vibre dans ses moindres fibres, peut-être que ce sont les rencontres, ainsi le souvenir de ce professeur d'université, un ami de Shaheen, qui nous avait invités chez lui et qui avait lu quelques versets du Coran avant le dîner du Thanksgiving ou l'extraordinaire ( je ne vois d'autre mot ) accueil des enfants, Soufyaan et Maariya, à leur école, La Mount Nitany Middle School, peut-être que c'est la Women's March à New York, ainsi au pays de Trump des millions de personnes qui scandaient le rêve de la liberté, peut-être, plus encore, parce que ce pays, cette transgression de la grandeur, est une invitation ( vaine sans doute ) au dépassement de soi. C'est un amour, cependant, sans illusions. Cette autre Amérique dont on ne cesse de nous parler existe bel et bien. Il ne s'agit pas de se leurrer. L’ultra-capitalisme, l’impérialisme, les inégalités parmi tant de maux. Nous avions, après tout, vécu sur un campus universitaire, véritablement dans une bulle. Plus de six mois après notre retour il demeure toujours cette nostalgie. Je ne veux pas pour autant vivre aux Etats-Unis. Je me souviens que le jour de mon retour à Maurice, j'avais pleuré. Il ne faut pas croire que je n'aime pas mon pays mais il fallait que je rétrécisse mon imaginaire aux dimensions de l'île, que je devienne, dans un sens, "petit", non que j'étais "grand" là-bas mais que je pouvais peupler mon imaginaire des vertiges de l'infini. Alors qu'ici le vertige est souvent celui de la médiocrité. Mais il est difficile, au bout de toutes ces années, de se libérer de ses habitudes, le corps lui même a les formes et les lassitudes du lieu qui l'a vu naître et grandir. L'amour ne s'explique pas. J'ai, au fil des années, vécu et voyagé dans de nombreux pays. Chacun a laissé une trace en moi. Parfois légère, parfois profonde. Tout voyage, me semble- t-il, est cette migration de l'âme, de soi en soi, dans l'espace de l'ailleurs. Peut-être que mon âme s'est enfin rencontrée en ce lieu. Sous la neige à Penn State. Dans les rues de New York. Dans les visages des manifestants à la Women's March, dans toutes ces choses, indéfinissables, qu'on ne peut décrire, inscrites au fer chaud dans mon imaginaire. L'amour ne s'explique pas. Il peut-être lucide. Ou exalté. Ou même haineux. Mais il est. Il demeure. Tout simplement.








Umar TIMOL.





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