lundi 27 mars 2017

Un très beau texte du mauricien Gillian GENEVIÈVE sur les LARMES.

Tu me demandes ce que je sais des larmes ?

J'ai longtemps cru que les aquarelles me diraient leur secret.

J'ai longtemps cru que ces couleurs diffuses, maladroites, libres, vivantes sur la toile humide, me parleraient des corps qui se disloquent, des âmes qui se fissurent, de la conscience qui s'altère.

J'ai longtemps cru qu'elles me parleraient de l'étreinte incestueuse de la tristesse et de la mémoire.

J'ai longtemps cru qu'elles me parleraient de ce sel qui lacère et craquelle la nudité de la page blanche.

J'ai longtemps cru aux fariboles des coups de pinceau vagabonds.

J'ai longtemps cru aux chimères de la peinture ivre dégoulinant en arabesques hors cadre de l'imaginaire.

J'ai longtemps cru aux mensonges de la lumière virevoltant dans les esquisses bariolées en prélude de l'œuvre inachevée.

Mais, j'ai aussi longtemps cru qu'on pleurait pour que les plaies ne se referment pas et que le cœur reste à vif sous les coups de semonce du soleil.

Oui, j'ai longtemps cru à tout cela.

Puis, un jour, alors que je croyais que nous étions au seuil d'une balade sans fin, j'ai senti ta main glisser hors de la mienne et tu as fait un pas sur le côté.

Tu as alors marché à tâtons hors du chemin balisé de nos souvenirs communs, de toutes nos premières fois; balisé par tout ce temps inutile.

Tu as marché à tâtons sans regret, presque désinvolte, me laissant seul et libre sur les quais de l'amour et du désir.

Et, ce que je sais des larmes, depuis ce jour, c'est ton ombre, à rebours de la solitude, qui me le murmure à chaque instant.












Gillian GENEVIÈVE.


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