vendredi 24 avril 2015

Un poème de Martine PICHOIR (France) : MON PÈRE PENCHAIT .

Il avait une démarche étrange
Vacillait à chaque pas
D’avant en arrière
Ou, un peu bizarrement, 
Un coup à droite, un coup à gauche
Comme un ivrogne titubant,
Comme un canard cahotant
Comme une charrette brinquebalant
Sur les ornières des vieux chemins.
Il regardait les cimes des arbres,
Rêvait de grimper les pentes 
Des montagnes, pour savoir 
Que là-haut, seul le vertige
Le ferait trébucher, osciller.
Il écoutait les musiques du monde,
Aimant se balancer à leurs rythmes, 
Mais il penchait, tombait, 
Ne pouvait plus danser.
Il aimait aussi celle des oiseaux,
Des vents dans les branches, 
Et penchait la tête, 
Pour mieux s’en imprégner.
Il disait, pour me rassurer :
« J’ai perdu mon balancier. 
Je ne tiens plus debout,
Que si tu me tiens la main. »
Je la serrais fort pour qu’il vive debout.
Il continuait : 
« Je suis comme une maison
Aux murs fissurés,
Aux volets décrochés, dégondés,
Prêts à tomber…
Mais ne crains rien ;
Si mes mains tremblent,
Si mes jambes peinent à me suivre,
Mon cœur, comme une montre
Tourne pour la vie, et se penche,
Comme un bateau à voiles, doucement,
Dans le calme roulis des flots,
Vers toi, mon rêve, ma fille »
.


Martine PICHOIR.


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