mardi 21 octobre 2014

Un autre texte sur LA VILLE, cette fois de Patricia LARANCO.

LA VILLE.


J’aime la ville.
Ses côtés sinueux. Ses détours, ses chantournements.
Son errance, cette infatigable. Cette infatigable ambiguë.


La ville. Ses masques. Ses fards.
Ses masques fardés qui se dressent, s’éclipsent.


La ville, c’est le mouvement. Le hoquet, qui fait sauter le cœur au bord des lèvres.


La ville, c’est la fragmentation.
Le temps violenté, atomisé.
Le temps haché menu, en petits dés.
En dés minuscules. Presque quantiques.


La ville est un peu comme l’eau.
Elle aime bien couler. Elle est fluide.
Elle brasse. Elle glisse. Elle échappe.
Elle envoie promener les lignes droites.
Elle est dédale, labyrinthe.
Aussi compact qu’inconsistant.


Elle fait penser à un flipper, dont chaque passant serait la boule.


On la suit. Conquis. Fasciné.
Suffoqué par sa démesure, par sa poussière, par le poids de son air, par son odeur de métal âcre, âpre, qui vous chatouille, vous râpe le pharynx.
Elle vous mène toujours vers un quelque part qui abolit la notion, l’idée de « quelque part » même.
Elle change de visage, d’humeur…et avec quelle promptitude diabolique !


Elle vous offre , ce faisant, des milliers d’instants en forme d’éclairs…des instants qui deviennent des essaims d’insectes, qui vous harcèlent.


Regardez, ainsi, le métro…cette machine à engloutir, à dégorger. Regardez tous ces visages, ces regards qu’il vous sert, de façon fulgurante !
Parfois, souvent, de beaux visages, des regards qui vous « reconnaissent »…mais, sans attendre, ce que la vague a donné, elle vous le reprend. Le reflux succède au flux qui l’a précédé aussi sûrement que l’âge mûr succède à la jeunesse, la vieillesse à l’âge mûr.
A peine le temps d’expirer…la porte du wagon, de nouveau, claque.
En un sursaut, tout est fini. Tout est évacué. Remplacé.
Le visage beau, intéressant vient de se volatiliser à tout jamais au profit d’un visage totalement sans relief, à moins que ce ne soit-pis encore- d’une trogne franchement innommable. Vous maudissez le strapontin que l’émotion, toujours si prompte à s’emballer, à se mettre martel en tête, vous faisait aimer, déjà (présomptueux, prématuré rêve !)


Pourtant, c’est ainsi. La ville brise, casse.
Elle subordonne tout à sa vie. A son staccato d’instants brefs qui se succèdent, s’entre-déchirent. A sa hâte, que nul ne maîtrise, pas même elle (n’est-ce pas le comble ?)
Il faut en prendre son parti. S’abandonner. Surfer sur elle.
Elle étourdit. Vous titubez.
Elle séduit. Telle un alcool fort. Qui vous affaiblit, vous écrase. Mais aussi, vous marque. Vous possède, et, en dernier ressort, vous exalte.


J’aime la ville. Parce qu’elle est.
Parce qu’elle suit son cours, que rien n’arrête. Parce que sa vitesse de rotation autour d’elle-même emporte tout. Parce qu’elle ne tente pas d’être autre chose qu’elle, telle qu’en elle-même : ni bonne, ni dure. Simplement, ELLE. Démesurée. Splendide. Ne pourrait-on dire…divine ?






03/02/2005.












Patricia Laranco

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