samedi 27 septembre 2014

Lecture (sociologie) : Aymeric PATRICOT, "LES PETITS BLANCS – UN VOYAGE DANS LA FRANCE D’EN BAS", éditions PLEIN JOUR, 2013.

Dans son ouvrage, paru en 2013 et intitulé Les Petits Blancs, Aymeric PATRICOT signale le peu d’empressement manifeste qu’on a, en France, à s’intéresser à la "France d’en bas" de souche européenne. Le spectacle de ce ramassis de gagne-petit et de marginaux qui tire le diable par la queue dans les campagnes profondes du « désert » français ou dans les quartiers déshérités hantés par les « immigrés » et hérissés de barres de HLM, visiblement, n’y a pas réussi, encore, à susciter une fascination comparable à celle que suscitent les « white trash » et autres « rednecks » dans l’imaginaire culturel britannique ou américain. Bien sûr, il y a des figures comme le chanteur Renaud, ou l’acteur Gérard Depardieu dans le rôle qu’il joua dans son tout premier film, Les Valseuses. Bien sûr, il y a Les Bidochons, et leur bidoche faisandée. Mais croupir dans sa crasse de « sans-dents » n’en continue pas moins de rebuter profondément, tripalement les « bonnes âmes » dans un pays dont les mentalités s’embourgeoisent de plus en plus.
L’inconscient collectif de l’ensemble de la société française et, surtout peut-être, l’image qu’elle s’est construite d’elle-même (via l’opinion publique) peinent à évoquer, à se représenter seulement, l’ existence de tels « cas ».
Bien évidemment, il y a, à cela, des raisons complexes et multiples que Patricot met fort bien en évidence – et parmi lesquelles l’image de la France en tant qu’état-providence, en tant qu’état social « maternant » à vocation éradicatrice de toute misère entre pour une assez grande part.
Compter dans ses rangs – et l’admettre, vouloir le regarder en face – une assez large frange de « petits Blancs miteux et mesquins » qui renâclent devant la mondialisation et devant la sacro-sainte « branchitude », cela demeure une honte, une « tare ».
Entre une bourgeoisie et une middle-class rayonnantes qui, de plus en plus, entretiennent le mythe (pour le moins angélique, naïf et aveugle) d’une société idéale, « sans races et sans classes » où tout le monde serait beau, bobo et gentil dans la plus pure tradition « peace and love » et ces bas-fonds crades, décalés, mais persistants où continuent opiniâtrement de prospérer beaufs et losers, le fossé est devenu énorme…peut-être encore plus énorme, au fond, que celui qui sépare ladite bourgeoisie et ses médias des gens qu’ils qualifient d’ « issus de l’immigration et de la diversité », lesquels ont, au moins, pour eux, l’atout considérable de l’exotisme.
En France, l’Homme Blanc est, et reste, dans les esprits, viscéralement et intimement  associé à l’image flatteuse du « peuple élu » détenteur de la civilisation, de la Culture avec un grand « C » écrit en lettres majuscules. Il est, aux yeux de l’opinion, l’ « être éclairé », éduqué et éducateur par excellence. Celui qui ne saurait choir, déchoir. Tout déclassement, toute chute dans les abîmes de la médiocrité morale et de l’insuffisance financière est vu comme, par essence, indigne de lui, et de son prestige.
Alors, fidèle à une vieille tradition de déni, l’on préfère se poser des œillères, ou stigmatiser. On méprise, on dédaigne, dans nombre de cas, on lance des anathèmes bien sentis.
Oui, les « petits Blancs » sont devenus coupables de ternir l’image hautement idéalisée de l’Homme Blanc. Ils attentent au Modèle. C’est là que réside leur faille. Leur faute. Leur péché « ontologique ».
Et beaucoup – apparemment, un nombre croissant – de Petits Blancs réagissent au dédain qui leur est sans discontinuer jeté au visage ( quand on daigne, toutefois, les regarder) en nourrissant de leur colère et de leur rancœur, fort bien mises en relief par Patricot, un vote qui constitue, pour l’ensemble du pays, un réel danger.
Quand à ce livre, il se contente de témoigner, sans chercher à jouer au manuel de sociologie. Vous n’y trouverez pas de chiffres, de statistiques, ni de diagrammes…rien que du vécu. Un éclairage sur un univers encore assez largement tabou, et nettement plus complexe qu’on ne se l’imagine. Pour sortir des idées reçues et des clichés. Toujours bon à prendre…



P. Laranco.

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