jeudi 21 août 2014

Lecture : Umar TIMOL : "APHORISMES OU DE LA POÉSIE POUR GENS PRESSES" , Editions de l’Atelier d’Ecriture, 2014 .












L’aphorisme est un art difficile, percutant, qui n’admet pas l’erreur. Il doit « frapper » tout de suite, de façon fulgurante, et, aussitôt, faire mouche. Car, selon l’heureuse définition qu’en donne l’auteur (et dont il a fait le titre de cette minuscule plaquette), il n’est pas autre chose que de la poésie pour gens pressés.
On connaissait déjà les talents de poète, et ceux, plus récents, de romancier, de l’écrivain mauricien Umar TIMOL. Le voilà maintenant qui révèle une toute autre facette de lui-même.
Loin du bouillonnement lyrique, tragique et dense de sa poésie, loin aussi de l’atmosphère tourmentée, de la virulence également très lyrique et poétique que recèlent ses deux récits romanesques, il met ici à contribution son esprit vif, piquant, mordant et facétieux, son regard singulièrement aiguisé, si prompt à débusquer les « bancaleries » et autres « grotesqueries » du monde pour nous donner ce livre, véritable petit bijou d’observation, de savoureuse rosserie et de sagesse désabusée.
Sa vision du monde est, sans conteste, dominée par un certain pessimisme. Mais l’humour décapant, le sens de la formule qui fait ici des étincelles, compensent largement ce fond plutôt sombre.
Cynique, blasé, parfois volontiers féroce et quelque peu misogyne, Umar Timol ?
Certes, mais comme il sait bien « déshabiller le monde », en faire ressortir les aspects, si ce n’est l’essence, tragicomiques !
Comme il a l’art de nous surprendre, de nous déstabiliser, mais aussi de nous détendre, de nous arracher des éclats de rire !
Ce mince ouvrage – facilement transportable dans un sac à main – est un authentique feu d’artifice de maximes parfois d’une justesse confondante : La sagesse est œuvre d’équilibriste ; Amour sans les supercheries de l’apparence et les malentendus du désir ? De l’amitié ; Poète : révolté du dimanche ; Fanatique : être que l'ambiguïté terrorise ; Petit-bourgeois : personnes qui imitent désespérément les riches et qui fuient désespérément les pauvres ; Nous avons tous des préférences musicales mais nous chérissons surtout les concerts de nos louanges. Il n’a rien à envier au niveau des plus grands auteurs en la matière : Oscar Wilde, Sacha Guitry ou Malcolm de Chazal.
On y distingue un certain nombre de préoccupations, de thèmes, dont beaucoup se retrouvent également dans le reste de l’œuvre de cet auteur : l’amour, la beauté, la littérature, l’innocence, la lucidité, la finitude, le narcissisme, la comédie sociale, la frustration.
Poète et philosophe, Umar Timol est, on le sent fort bien dans ce livre, pleinement immergé dans le monde, pleinement sensible, redoutablement attentif. Quoique distancié (par la force des choses : c’est une des exigences de l’exercice), il fait pleinement corps avec son temps ; et ce brillant mélange d’attention et de distanciation observatrice atteint – là aussi on ne peut plus pleinement – son objectif. Il nous touche, il nous régale et il nous procure un grand plaisir intellectuel.
Peu de choses échappent à cet esprit subtil, à cette sensibilité perpétuellement en éveil, portée tant à l’introspection qu’à la mise à nu de ses semblables, qui dissimule la profonde humanité de ses sentiments, ainsi que son idéalisme foncier  sous des dehors souvent légers et, comme je l’ai signalé déjà, volontiers sarcastiques.
Le mariage et la routine se ressemblent comme deux gouttes de cyanure.
Marée : lune qui aguiche la mer.
La jeune fille est une fleur bleue qui ingurgite de l’eau de rose.
Humaniste : homme de salon plutôt que de terrain.
Le cynisme est l’âme-sœur de la dépression.
La voiture véhicule l’égo, le cercueil son trépas.
L’amour est un hasard qui s’aventure sur le chemin du destin.
La conversation, c’est s’écouter avec les oreilles des autres.




P. Laranco.

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