vendredi 31 janvier 2014

Lecture : Nicolas GUEGUEN : « PSYCHOLOGIE DE LA SÉDUCTION – pour mieux comprendre nos comportements amoureux », Dunod, 2009.


La perspective de ce livre est celle de la psychologie dite évolutionniste .
[…] la séduction est riche en information et en enseignement sur le fonctionnement de l’être humain , nous annonce, avec raison, dans son introduction, son auteur.
Ici, au fil de ces quelques 200 pages, se trouvent donc regroupés les résultats   d’un certain nombre de recherches  récentes portant sur les comportements de séduction à l’intérieur de notre espèce. Ces résultats ont été eux-mêmes obtenus à la suite de tests – fort variés et divers – menés par des psychologues de la cognition et du comportement.
Pour la psychologie évolutionniste, l’Homme est une espèce vivante et animale comme les autres ; en tant que tel, il obéit donc à des lois d’ordre biologique qui sont bien plus importantes qu’on ne l’imagine communément. Selon ces lois, la femme s’investit beaucoup plus que l’individu mâle dans sa mission reproductive. Elle ne pourra, dans sa vie, concevoir et engendrer qu’un nombre fort limité d’enfants, dont la croissance, au surplus, sera nettement plus longue que celle des petits appartenant aux autres espèces de grands primates. Accaparée par son investissement dans sa progéniture (la qualité, à défaut de la quantité !), elle aura un impérieux besoin, pour mener à bien sa tâche, de soutien, de stabilité, de protection et de  ressources  d’ordre matériel.
L’homme, à l’opposé, sera un « obsédé » de sexe pour le sexe et de séduction, occupé à rechercher sans cesse et tous azimuts des partenaires et prêt à  saisir toutes les occasions  qui se présentent.
Les conséquences en termes de séduction, d’attente, de demandes  vont être considérables.
La femme, en effet, ainsi que tendent à le démontrer toutes ces recherches, va se trouver attirée par un homme susceptible de lui offrir une relation durable à l’intérieur de laquelle lui-même s’investira sans se dérober dans le soin, la protection et l’élevage de leur commune progéniture. Il devra être doté, préférentiellement, d’un visage harmonieux (à savoir  symétrique), d’une haute taille, d’une voix grave, d’une certaine odeur, souvent d’une certaine pilosité (la barbe serait, ainsi, gage de « sérieux » et de  sens social), toutes caractéristiques trahissant la possession de  gènes sains. Il devra aussi, dans le cadre de la séduction, manifester ou bien trahir sa  dominance. Car, pour l’animal, le mammifère, le primate que demeure, au niveau basique et inconscient, l’Homme, seule, en dernière instance, compte la transmission optimale de son patrimoine génétique.
Dans le même temps, le mâle de l’espèce humaine sera fort enclin à se focaliser tant sur les  attributs sexuels  que sur les comportements qui, chez la femme, traduisent un signal de disponibilité sexuelle manifeste. Il y recherchera, en premier lieu, des marques de SANTE et de JEUNESSE, donc de bon potentiel reproductif. C’est ce qui explique notamment pourquoi, dans toutes les cultures humaines, les mâles attachent une importance particulière aux cheveux des femmes, à la (petite) taille de leurs pieds, à leur  ratio tour de taille/tour de hanches  (celui de Barbie !), éventuellement à la teinte plus claire de leur chevelure, à leur pilosité réduite (l’auriez-vous deviné ? Les hommes ne goûtent guère beaucoup les femmes  plus indépendantes,  plus revendicatives, moins normatives et plus féministes, lesquelles, c’est bien connu, se trahissent par une pilosité trop abondante) et à la taille de leurs glandes mammaires (ni trop, ni trop peu).
En ce qui concerne la panoplie des comportements séductifs, vous serez encore moins surpris : les clés de la « pêche à l’homme » sont dans  l’exposition de la poitrine  (autrement dit le bon vieux « décolleté »), dans le  maquillage  réussi c'est-à-dire le plus complet possible, celui qui vous permet d’avoir l’air de « péter la forme ».
Il faut en convenir, toutes ces savantes découvertes sont bien « prévisibles ». Les deux seules surprises authentiques que j’ai, pour ma part, dénoté dans cet ouvrage tiennent à l’appariement des couples (les gens se choisissent en fonction de profondes ressemblances, tant physiques que psychologiques, et il faut tout particulièrement noter que : Une recherche de Vandenberg (1972) a étudié la corrélation entre des mesures physiques extrêmement fines prélevées auprès de 183 couples mariés. Les résultats montrent […] des convergences dans la taille des oreilles, la longueur des bras, la taille de la tête, l’écart entre les deux yeux, la longueur du majeur…Ce chercheur confirmera en outre l’existence d’une convergence entre le niveau de santé mentale et physique des époux et les tendances névrotiques ; d’autre part, il semble aussi que l’appariement physique ( correspondance du niveau de beauté […] entre les deux membres du couple) soit un prédicateur de la durée de la relation) et au fait que les hommes suraccentuent les intentions sexuelles des femmes à leur égard. A ce propos, l’auteur du livre n’hésite pas à évoquer un véritable dysfonctionnement de la perception, une perception fausse de la réalité, susceptible de déboucher sur de très fâcheux dérapages (l’agression, ou le viol).
L’homme est beaucoup plus facilement « aveuglé » par la femme que l’inverse. Aussi réagit-il aux signes de séduction au quart de tour alors qu’elle, tout au contraire, a besoin de plus de données sur sa cible, de plus de temps pour réagir (parce qu’elle cherche un partenaire, quand l’homme ne fait que rechercher une occasion de plus).
Entre les deux sexes, la séduction dépend beaucoup du sourire (lequel renforce l’attrait physique du visage et incite l’autre à vous apporter son aide), du regard et des autres signaux non verbaux qui, émis par la femme, « rassurent » les hommes et déclenchent leur approche.
Entrent aussi en ligne de compte des signes non verbaux de rejet que les femmes s’avèrent […] remarquablement performantes à saisir et à interpréter chez les hommes, tandis que, nous y revenons encore, le contraire n’est pas vrai (les hommes sous-évaluent le caractère négatif des comportements d’évitement que leur opposent les femmes).
Une autre découverte assez remarquable des chercheurs mise en relief dans ce livre est le RÔLE DE LA MIMESIS : Lorsque l’on regarde deux personnes converser ensemble, on constate que chacun des interlocuteurs imite l’autre. Ce comportement d’imitation semble automatique comme c’est le cas de la répétition des mots dans une conversation, le rire, les expressions faciales. On tend à imiter les gestes d’une personne qui nous est étrangère (Chartrand et Bargh, 1999). Pour certains chercheurs, l’imitation aurait semble-t-il des fonctions adaptatives en permettant à l’autre de percevoir un soutien, une approbation, un intérêt à ce qu’il dit. […] On sait que l’imitation conduit à faire percevoir l’imitant de manière plus positive ou à se sentir plus proche de lui.
Au fond, la séduction consiste à susciter entre deux êtres un sentiment de proximité, de complicité, d’unicité.
Nous avons tous peur de l’inconnu et toute rencontre avec une personne que l’on ne connait pas encore – en particulier si elle appartient au « mystérieux » sexe opposé – réveille en nous cette crainte latente. Le sentiment de plaisir visuel, olfactif, auditif, tactile que provoque une personne qui nous plait, déjà, contribue à l’atténuer, à la « conjurer ». Et, comme on a envie « d’y croire », de confirmer, en quelque sorte, cette béatitude qu’a provoquée l’impression agréable initiale, on fait tout pour que cela dure. Une sorte d’auto-persuasion entre en scène qui non seulement prolonge délicieusement le sentiment de proximité avec l’autre, mais, même, empêche d’envisager la frustration et la déception que représenteraient, au bout du compte, un éventuel démenti, un éventuel échec.
Dans son ensemble, ce livre se révèle instructif, et assez plaisant à lire.
Il est étonnant de constater à quel point il « colle » à la réalité du fonctionnement inter-sexes qui a cours de nos jours, autour de nous.
Peut-on croire aux postulats de la « psychologie évolutionniste » ?
N’y a-t-il pas lieu, par exemple, de ressentir une certaine perplexité devant le fait que les résultats de ces expériences – aussi diverses qu’ingénieuses – nous conduisent à ce point à voir en « l’Homme de toujours » qui, un « dragueur » compulsif uniquement attentif aux critères physiques doublé d’un compagnon  idéaliste  et exclusif, qui une « tête froide » finaude et calculatrice, après tout pas si fleur bleue que ça, attachée avant tout aux projets d’avenir, au confort tant matériel que mental et à l’aménagement de son « petit nid » à enfants ?
L’Homme n’est-il pas aussi un être fondamentalement malléable, souple et plastique, susceptible d’évolutions et de variations presque infinies sous l’emprise de la culture et des révolutions de la technologie ? Un être infiniment trop complexe pour se voir ramené à quelque schéma exclusivement dicté par les exigences de la biologie mammifère (rôles respectifs joués dans la reproduction, cycles menstruels ou variations dans les taux de testostérone) ?
Ces expériences de psychologie ne seraient-elles pas, dans une certaine mesure, biaisées par le fait qu’elles jaugent, justement,  des comportements d’hommes et de femmes vivant à NOTRE époque, dans NOTRE type de société ?
Sans doute faut-il attendre bien d’autres expériences, plus variées, plus ingénieuses et plus rigoureuses encore, pour clarifier la donne.


P. Laranco.

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