vendredi 12 avril 2013

Le 26/02/2013, à 10h 45 sur la chaîne TV "RMC-Découvertes" : « LES DOSSIERS DE KARL ZÉRO : DANS LA TÊTE DU TUEUR »


La question posée ici – et abordée tout le long de ce documentaire – est une question essentielle autant que fascinante : « qu’est-ce qui nous rend bons, ou mauvais ? ».
Dans le but d’y trouver enfin une réponse, « quelques scientifiques essaient de percer le secret des TUEURS PSYCHOPATHES ».
Que sait-on de ces « monstres » qu’il est convenu d’appeler « tueurs en série » et qui font, à notre époque, couler tellement d’encre ?
Un scientifique, formel, nous lance : « ces gens n’ont pas de conscience ». Mais encore ? De quelle manière peut-on creuser la question plus avant ?
Depuis quelques temps, l’on assiste à l’émergence, encore discrète, d’une « science nouvelle, d’un nouveau type » ; une science qui mène « des recherches révolutionnaires », relatives aux facteurs qui détermineraient notre sens du bien et du mal.
Pour cerner ce qui, en cette matière, relève de l’inné ou bien de l’acquis, des spécialistes chevronnés du comportement humain, Karen WYNN et Paul BLOOM, ont entrepris, à l’université de YALE (USA) des expériences auxquelles ont participé « des centaines de BÉBÉS ». Ces expériences avaient pour but, par le biais de l’ « observation », de déterminer si, oui ou non, le sens moral était détectable (donc présent) dans la petite enfance, chez des bébés âgés de « un an ».
Wynn et Bloom ont fait en sorte que leurs bébés, l’un après l’autre,  assistent à « un petit spectacle » au cours duquel « trois marionnettes se lançaient des balles ». La marionnette qui rendait la balle à sa « camarade » figurait « le gentil » ; celle qui, par contre, refusait de la rendre incarnait « le méchant ». Les bébés devaient, juste après le spectacle, désigner la marionnette qu’ils avaient préférée.
Résultat des courses : « 70% DES BÉBÉS CHOISISSENT LE GENTIL ». Mieux encore : les expérimentateurs nous assurent que leurs sujets d’étude « réagissent fortement ». Aucun doute là-dessus : « les résultats sont clairs et se répètent ».
Tout indique donc que LES BÉBÉS SONT DOTES D’UNE ÉBAUCHE DE MORALE.
La morale serait par conséquent quelque chose de spontané, d’inhérent à la nature humaine.
Reste le fait qu’on compte tout de même 30% de bébés qui « choisissent le méchant ». Que penser d’un pareil pourcentage ? Dubitatifs, les promoteurs de l’expérience hasardent certaines hypothèses : les bébés testés « peuvent avoir sommeil, ou être distraits, déconcentrés »…à moins qu’ils ne soient encore, tout simplement, des « bébés différents ».
Quoiqu’il en soit, le score largement majoritaire qui se dégage en faveur de la préférence pour le « bon héros » est suffisant pour mettre en évidence, pour la première fois dans l’histoire de la recherche sur le comportement humain, que la morale apparaît extrêmement tôt dans une vie d’Homme, ce qui accréditerait solidement l’existence d’un INSTINCT MORAL.
Au reste, tous ceux qui ont eu affaire, dans la vie courante, à des bébés, ont eu l’occasion de remarquer à quel point ceux-ci, spontanément, « aiment aider, et sont sensibles à la douleur des autres », faisant ainsi apparaître « l’envie d’aider les autres et l’empathie » comme de nature innée chez l’Homme.
Jeunes ou adultes, « le humains sont obnubilés par la morale ». Fort bien. Mais reste à savoir où de pareilles « obsessions » trouvent leurs racines.
Chercheur en neurosciences, le britannique Paul ZACH s’intéresse, pour sa part, de très près à « la base chimique de ces comportements ». Il nous le certifie : « on s’entraide pour une raison biologique ».
Cette raison biologique, on la connait, elle porte un nom : celui d’une hormone, l’OCYTOCINE.
L’ocytocine, explique Zach, a pour fonction et pour pouvoir de « CRÉER DES LIENS D’ATTACHEMENT AU SEIN D’UN GROUPE ». Elle est, par exemple, particulièrement présente là où les liens entre les êtres humains sont les plus puissants : « dans les familles ».
Dans le but d’étudier « les liens d’entraide et de collaboration » qui peuvent cimenter un groupe de gens tendus vers le même objectif de réussite, Paul Zach a mis au point et mené « une expérience inédite », au cours de laquelle des hommes « qui ne se connaissaient pas très bien » au départ ont constitué deux équipes de rugby opposées dans un match. En premier lieu, il a noté que, dès avant la rencontre, « pendant l’échauffement musculaire », les hommes composant chaque équipe avaient déjà « des mouvements synchrones », signe évident à ses yeux qu’ils étaient « en train de constituer un groupe ». Un premier prélèvement sanguin fut effectué, avant l’échauffement, sur chaque joueur. Il a été suivi, après l’échauffement cette fois, d’un second prélèvement, aux fins d’analyses hormonales. Les résultats sont parvenus deux semaines plus tard, très parlants : dans le même temps que « les taux d’ocytocine des joueurs » augmentaient et convergeaient de manière significative « afin qu’ils soient en phase », leurs taux de testostérone se trouvaient aussi augmentés. Explication : l’ocytocine visait à renforcer l’esprit d’entraide et de collaboration, autrement désigné par le nom d’ « esprit d’équipe » (« L’ OCYTOCINE EST LA MOLÉCULE MORALE », aux dires de Paul Zach) ; la testostérone, elle, se trouvait sollicitée pour de toutes autres fonctions : elle stimulait en effet l’égoïsme et l’agressivité, « contre les adversaires » (« LA TESTOSTÉRONE NOUS REND ÉGOÏSTES  toujours selon Paul Zach). Conclusion : « le rugby est une société en miniature », à savoir, d’après le savant britannique, une « combinaison d’ocytocine et de testostérone ». Elle reposerait donc, en tout et pour tout, sur un « équilibre chimique » entre pulsion d’opposition et pulsion de solidarité, qui serait l’essence de la morale.
Alors, que penser du cas des psychopathes et autres serial killers, ces grands déviants par excellence ?
Robert HAIR s’intéresse à ces cas hautement problématiques « depuis trente ans ». Il a, entre autre, eu l’occasion de rencontrer des « cas » comme Jeffrey DAHMER et Ted BUNDY. De ces deux êtres radicalement hors norme, il avoue avoir retiré des impressions assez contrastées : d’une part, il ne peut nier qu’ils ressemblaient à « des gens ordinaires », facilement passe-partout ; d’autre part, « il y avait [aussi] quelque chose d’étrange chez eux ; ils avaient un côté prédateur, un air méchant ». Robert Hair s’est vite demandé si de pareils individus possédaient « des traits en commun »…et il en a trouvé (il en a même dressé une liste) !
Leurs principales caractéristiques communes seraient, d’après lui, « le manque d’empathie » et « une grande froideur ». A cela viendrait s’ajouter un autre trait, un autre signe d’inadaptation non moins glaçant : « il n’y a qu’eux au monde : les autres ne comptent pas ».
Robert Hair s’est également livré, sur ces hommes, à des expériences d’observation directe du cerveau. Elles ont consisté à réquisitionner un tueur détenu dans une prison américaine, Anthony FRAZELL, et à lui faire « lire des mots » dans le même temps que, grâce à des électrodes, l’expérimentateur enregistrait la charge émotionnelle qui accompagnait, chez le sujet, la lecture de chaque vocable proposé. Le résultat fut sans appel : à ces sombres individus, le mot « viol » fait rigoureusement le même effet que le mot « table » ou le mot « arbre ». Ainsi en déduit-on que « LES PSYCHOPATHES NE RESSENTENT AUCUNE ÉMOTION ».
C’est cette carence, cette absence d’émotion qui les rend totalement inaptes à séparer le bien du mal.
L’étude de Robert Hair a, par la suite, servi de base à d’autres travaux. Parmi ceux-ci, on compte  ceux menés en CALIFORNIE par le neurologue spécialiste des anomalies cérébrales James FALLON.
FALLON a procédé à des analyses de scanners du cerveau de différents patients atteints de troubles mentaux et comportementaux : des schizophrènes, des dépressifs et des tueurs. Chez chacun de ces derniers, il pu repérer « UNE LÉSION DU CORTEX ORBIFRONTAL », situé « juste au-dessus des yeux », ainsi qu’une « LÉSION DE L’AMYGDALE », toutes anomalies qui concernent L’ IMPULSIVITÉ ET L’ ÉMOTION  Verdict : la « nécessité de tuer » qui caractérise, de manière si terrifiante, les serial killers a bel et bien « une cause biologique ». Les différences perceptibles dans leur cerveau sont proprement « hallucinantes ».
Mais d’où ces écarts proviennent-ils ?
De nouvelles pistes s’ouvrent, cette fois « sur le terrain de la GENETIQUE ».
En 1993, le Docteur Hair se penche sur le cas d’une famille entière d’hommes violents. Grâce aux analyses génétiques poussées qui furent menées, l’on découvrit que tous les membres de ce groupe familial étaient porteurs d’une « VARIANTE DU GÈNE MAOA », encore appelée « GÈNE DU GUERRIER ». Ainsi, non content d’être visible dans le cerveau, le mal est visible dans les gènes !
Le Dr Fallon a lui-même « un cousin qui a tué son père et sa mère ». Intrigué – et alerté – par le fait qu’ « au moins 16 membres » de sa famille avaient été impliqués dans des mésaventures à caractère violent, le savant leur a fait passer, ainsi qu’à lui-même, des scanners cérébraux. Ceux-ci, à sa grande consternation, révélèrent d’indéniables anomalies du cortex orbifrontal et des lobes temporaux. De toute évidence, le système limbique de toutes ces malheureuses gens « ne fonctionnait pas » et, pire encore, lui-même ne se trouvait nullement exclu du lot !
Dans la foulée, le scientifique fit procéder à une « étude génétique » d’ensemble de sa famille. Il s’avéra que ladite famille présentait « un mélange de gènes » qui incluait, dans certains cas, des gènes « à haut risque » pour ce qui est de la prédisposition violente. Mais, dans tout l’échantillon familial analysé, il n’y avait qu’un seul et unique cas de concentration extrême de gènes « maléfiques » en un seul caryotype : le sien !
On imagine l’ébranlement que tout ceci causa au malheureux docteur Fallon : « j’ai en moi tous les éléments de la psychopathie, mais je ne suis pas psychopathe ! »
Il s’étonne. Pourtant, la nouvelle, chez ses proches, ne donne lieu à aucune réelle stupeur : « il a le sang chaud », vient même, sur ce, renchérir un membre de sa parentèle. Et deux autres de s’empresser d’ajouter : « oui, il a deux facettes en lui », et « il y a [en lui] un côté inquiétant, qu’il a toujours eu ».
Si, de lui-même, le savant finit par reconnaître, tout de même, qu’il sait [qu’en lui] « quelque chose ne va pas », il n’en a pas moins vite fait, non plus, de dénicher une explication : « LES GÈNES PRENNENT DE L’IMPORTANCE OU PAS SELON L’ENFANCE QU’ON A VÉCUE », selon les traumatismes qui l’ont – ou non – émaillée. Or, constate, non sans un certain soulagement, le Dr Fallon, « j’ai eu une enfance merveilleuse », une enfance qui a été suffisamment épanouissante et heureuse pour « balayer » les autres facteurs, tant cérébraux que génétiques.
Une conclusion, d’ailleurs, s’impose : les psychopathes ne sont pas tous en prison. Et les traits de caractère psychopathiques, sans courir les rues, s’avèrent moins rares et moins réservés à la seule catégorie des déviants et autres grands criminels qu’on serait tenté de le penser à première vue.
Paul PABIAK, le plus sérieusement du monde, nous soutient mordicus que « le premier psychopathe » qu’il a rencontré « n’était pas en prison », puisqu’il « travaillait dans mon entreprise ».
Eh oui, figurez-vous qu’on a identifié aussi des « psychopathes qui ont réussi ». A ceci, deux raisons : non seulement « la psychopathie n’empêche pas de travailler », mais, bien souvent, le comportement d’un psychopathe dépendra « du contexte ».
Indubitablement, le psychopathe a à son actif certains atouts, qui peuvent lui être fort utiles : d’un « naturel charmeur », il est on ne peut plus « capable de s’adapter ». De plus, ces êtres ont la faculté, dans l’ensemble peu répandue de déchiffrer les pensées des gens, en décryptant le langage du corps. C’est de la sorte qu’en dépit de leur grand déficit empathique, ils parviennent, néanmoins à comprendre les autres, non pas émotionnellement, mais intellectuellement.
On a récemment découvert, à la lumière de recherches, qu’il y avait « quatre fois plus de psychopathes à la tête des grandes entreprises » de la planète que dans la moyenne de la population humaine…troublant, n’est-ce pas ?
Ils ont également pour eux d’être soucieux de leur apparence et dotés d’un CHARISME que personne ne remet en question, ce qui leur facilite grandement la vie. Par ailleurs, s’ils sont « lamentables au plan des résultats » dans l’entreprise, le fait qu’ils « s’ennuient vite » les rend très à l’aise dans les milieux et les univers « constamment en changement » qui caractérisent notre vie postmoderne.
Ainsi que nous venons de le voir, cette « nouvelle science » qu’est l’étude de la psychopathie ne manque pas d’être « déconcertante ».
Nous allons voir que, non contente de nous révéler des vérités assez dérangeantes et assez inimaginables, elle va jusqu’à « remettre en cause notre conception commune du bien et du mal, voire même notre idée du crime et du châtiment ». En 2006 survient un « crime barbare », qui choque le TENNESSEE. Un homme nommé WALDROP se livre, sur la personne de son épouse, à « un acte de violence hors du commun ».
Cet individu, bien évidemment, encourt la peine de mort.
Mais c’est compter sans un scientifique, le Pr BERNETT, qui va réussir à sauver sa tête.
Comment ? Eh bien, en le soumettant à des tests génétiques, suite à une « controverse » quant à l’éventuelle présence, chez lui, du fameux « gène du guerrier ». Outre que Waldrop « avait l’air normal, ouvert » et « tout à fait sensé », il était bel et bien porteur de la « variante à base autorité du gène MAOA » et, au surplus, avait été, étant enfant, victime d’une réelle maltraitance, sous forme de « violentes corrections ». Bernett commente : « un gène composé de quatre segments est sans risque, mais s’il n’a que trois segments, il y a un risque ».
Et voilà ! L’affreux déchaînement de violence hors de tout contrôle s’expliquait.
Pourtant, le témoignage du Pr Bernett, au départ, n’allait pas de soi ; il confie : «  on se demandait si le juge nous demanderait de témoigner ». Reste que cela « fonctionna » : le témoignage du savant constitua « un moment historique ». A sa grande joie, pour la première fois, les gènes et l’environnement étaient invoqués et pris en considération lors d’un procès. Et le résultat fut encore plus « étonnant », puisque Waldrop échappa à la peine capitale en voyant son crime brutal qualifié d’ « homicide non prémédité ». Un des jurés alla même jusqu’à dire : « un mauvais gène, c’est un mauvais gène ».
Il s’agit là, répétons-le, d’un verdict totalement dénué de précédent, car redevable, uniquement, à la « GÉNOMIQUE COMPORTEMENTALE ».
Mais, dans de telles conditions, que devient le libre-arbitre ? A-t-il encore droit de cité ?
Que penser d’une science, toute récente, qui « ébranle » à ce point « nos certitudes, nos positions morales et philosophiques » ?
« Qu’en est-il vraiment, à cette lumière, de notre liberté ? ».
Si la biologie fait l’Homme, l’Homme est-il à même de la transcender ?
Une fois de plus, la science effleure (ou plutôt  titille) les confins de la philosophie.



P. Laranco.

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